Malgré le coronavirus, le Noël Copte et l’Epiphanie demeurent des moments de convivialité

Dr Nesrine Choucri Mardi 19 Janvier 2021-12:31:52 Chronique et Analyse
Le Président Al-Sissi félicite le Pape Tawadros II à l’occaion  de Noël copte le 6 janvier via visioconférence en raison du coronavirus
Le Président Al-Sissi félicite le Pape Tawadros II à l’occaion de Noël copte le 6 janvier via visioconférence en raison du coronavirus

Janvier en Egypte est le mois des fêtes! Les Egyptiens orthodoxes et protestants y célèbrent le Noël copte, le 7 janvier - fête de la Nativité de Jésus. Des célébrations qui commencent à partir du 6 janvier dans la soirée. Ce même jour, les Catholiques d’Egypte fêtent l’Epiphanie. Puis le 19 janvier, les Orthodoxes et les protestants célèbrent l’Epiphanie. Janvier est donc le mois des fêtes, des joies, des repas conviviaux et copieux, des invitations, des soirées au pied du sapin de Noël. Or, l’année 2021 est différente : Noël a été marqué par le coronavirus. Ce maudit virus a marqué la vie des gens et rythmé nos jours, nos fêtes et nos moindres gestes. Toutefois, les Egyptiens sont un peuple imbattable : ils savent toujours défier les circonstances et tracer le sourire sur leurs lèvres.

 

 

 

Depuis plusieurs années, le Président Abdel Fattah Al-Sissi avait mis en place une nouvelle tradition : chaque 6 janvier vers 19h, il se rendait à la Cathédrale Saint-Marc pour féliciter les Orthodoxes à l’occasion de Noël et pour présenter ses meilleurs voeux au Pape Tawadros II. On avait l’habitude de voir le Président aux côtés du Pape pour rappeler l’authenticité et la grandeur de l’Egypte. Une image qui réchauffait chaque année les cœurs des Egyptiens et qui faisait rapidement le tour de la toile. Malheureusement cette année, le coronavirus a changé notre rythme de vie : les églises ont dû fermer leurs portes pour la deuxième fois aux fidèles. Pas de véritables messes pour célébrer Noël. Les décisions du Pape Tawadros II sont fermes pour garantir le bien-être de tous : prêtres et fidèles. Si le Chef de l’Etat n’a pas pu se rendre à la messe de Noël comme les dernières années, il a cependant veillé à maintenir une partie de sa tradition : une communication directe au lieu des dépêches de vœux. Alors, il n’a pas hésité à recourir à la technologie de pointe pour faire part de ses meilleurs vœux au Pape Tawadros II. En effet, le Président a félicité, par vidéoconférence, Sa Sainteté le Pape Tawadros II et Patriarche de Saint-Marc, ainsi que le peuple égyptien en entier, à l’occasion des fêtes de Noël dans la soirée du 6 janvier, a-t-on appris du site de la Présidence sur Facebook. Un geste qui reflète l’intérêt du Chef de l’Etat à participer à la messe de Noël pour être aux côtés des chrétiens orthodoxes d’Egypte durant un moment de fête et de joie. Al-Sissi a affirmé que l’unité du peuple égyptien est à jamais sacrée, appelant les Egyptiens à se montrer vigilants face à ceux qui cherchent à attaquer l’Egypte en ciblant l’unité de son peuple. Il a également souligné la volonté de l’État de présenter le bon modèle au peuple, en ancrant les valeurs de cohabitation pacifique et de respect de l’autre. Le Président a signalé que de nombreuses sociétés occidentales, cherchent à copier l’exemple de l’Egypte, qui a toujours été une oasis de cohabitation et de fraternité. Et de renchérir à cette occasion que l’identité religieuse d’un citoyen ne doit point être une raison de discrimination en termes de droits, ni de devoirs. Le message du Président ainsi que son geste ont profondément touché le Pape qui a assuré que les Egyptiens sont un peuple uni face à tous les défis. Sa Sainteté a saisi l’occasion pour remercier le Chef de l’Etat de donner constamment un exemple d’ouverture à l’autre. Loin du côté officiel, les Egyptiens ont célébré en masse Noël sur Facebook échangeant des vœux, des blagues, des icônes religieuses ainsi que des commentaires très joyeux. Dans les maisons, les parfums étaient variés et la symphonie des cuisines s’est poursuivie les 6 et 7 janvier sans arrêt. Comme il n’y a pas de messes, ni de déplacement à l’église, la majorité des familles ont préféré prendre des photos à côté des sapins qui décorent les maisons en portant les vêtements de fête à domicile. Au meilleur des cas, les fêtards pouvaient faire un petit déplacement chez des membres de leurs familles pour échanger les vœux. Mais, à l’heure actuelle, éviter les rassemblements familiaux est la meilleure chose à faire pour garantir la sûreté de tout le monde.

Alors, la seule forme de célébrations : cuisiner des plats copieux partagés dans des petits rassemblements familiaux pour les déguster. Malgré cette ambiance - peu habituelle pour les Egyptiens - la joie est dans les cœurs, les chansons de Noël de la grandissime Fayrouz ou encore les cantiques religieux ornent les pages Facebook et retentissent dans les foyers orthodoxes ou protestants. Sur la table du 6 janvier ou du 7 janvier à 21 heures, les mets égyptiens les plus délicieux : viande et volaille étaient au rendez-vous. Pas de poisson c’est sûr. Durant les 43 jours de carême, les Orthodoxes ont droit à consommer du poisson et des fruits de mer. Ils doivent pendant la période du jeûne manger “séyami”, voire aucun aliment qui contient de la viande. D’ailleurs, ni volaille, ni graisse, ni lait. Une diète que les fidèles chrétiens suivent avec la plus grande minutie et le plus grand respect. Si le 25 décembre, les Catholiques célèbrent Noël et le Nouvel An le 31 décembre dans la plus grande joie, les Coptes d’Egypte se limitent le 31 décembre à consommer crevettes et poissons, et comme dessert, il y a les fruits d’hiver : mandarines, oranges et bananes. Certains s’offrent un gâteau dit “séyami”, sans produits laitiers, ni œuf. Tout sera compensé par la confiture, quelques noisettes ou du chocolat noir. Ils ont donc tous longtemps attendu pour pouvoir déguster un vrai gâteau gras riche en beurre et œuf. Le coronavirus n’a pas tout à fait gâché la fête. Les Egyptiens sont un peuple résistant, un peuple indomptable qui sait avec peu de choses se faire plaisir. Cette année, les versets bibliques et coraniques honorant « Jésus » pour les Chrétiens ou « Eïssa » pour les Musulmans ont été lancés sur Facebook : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, Et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » A la télévision, la chaîne CBC Extra a projeté d’anciennes images du Président Al-Sissi visitant la cathédrale SaintMarc et des bribes de cantiques. Ces images ont été suivies d’un film documentaire fait par le centre médiatique du Conseil des ministres où les évêques orthodoxes, catholiques et protestants égyptiens commentent les récentes lois facilitant la construction d’églises. La même chaîne a diffusé les félicitations du Pape Tawadros II aux Egyptiens à l’occasion de Noël. Bref, un jour de fête tout à fait ordinaire, auquel a manqué une spiritualité chère aux cœurs des Egyptiens. C’est le cas pour toutes les fêtes du mois de janvier comme l’Epiphanie orthodoxe, le 19 janvier. Si en Occident, elle est célébrée le 6 janvier, en Egypte l’Eglise copte orthodoxe la fête deux semaines plus tard. A la place de la galette des rois, fameuse tradition française, les Egyptiens préparent un plat copieux complet.

L’Epiphanie est l’une des Sept fêtes majeures de l’Eglise orthodoxe égyptienne et elle est célébrée le 11 Touba, mois du calendrier copte. Beaucoup d’Eglises célébraient la fête de la Nativité de Jésus et Son baptême le même jour, jusqu’à ce qu’à la fin du 4ème siècle, une décision ait été prise pour célébrer ces fêtes séparément. La fête de l’Epiphanie a toujours été d’une extrême importance pour l’Eglise, en particulier en Egypte, car c’était le jour où le patriarche d’Alexandrie annonçait les dates du Grand Carême, de la Semaine Sainte (Pâques), et de la fête de la Résurrection, que toutes les églises du monde suivaient. En ce jour, le Christ a été baptisé dans le Jourdain par JeanBaptiste, non pas pour le repentir, comme le reste du monde, mais plutôt au nom et pour le bien de l’humanité. On y cuisine les fameux topinambours à l’égyptienne, tradition millénaire à laquelle les Coptes tiennent fortement ! Il est de tradition que, ce jour-là, toutes les familles orthodoxes mangent, pour le déjeuner, une recette toute particulière de topinambour.

En Egypte on les coupe en dés assez épais, ensuite on les cuit dans un bouillon de viande, et à côté de ça on prépare un mélange d’oseille, d’oignon, de sel et de poivre, après la cuisson des topinambours on verse ce mélange de verdure dans le bouillon même. Les dés de topinambours sont ainsi imprégnés de couleur verte foncée. Un plat délicieux qui est suivi de morceaux de canne à sucre dégustés en famille. Alors, même si le coronavirus a son mot à dire, les Egyptiens ont leur façon d’y répondre. Sapins décorés, plats préparés, photos prises et vœux échangés pour défier la morosité des jours et rêver d’un avenir sans épidémie.

en relation